En août 1936, au début de la Guerre d'Espagne, la philosophe Simone Weil, qui n'a pas trente ans, part rallier le front d'Aragon et les brigades internationales de la colonne Durutti. Lors d'une offensive sur les bords de l'Ebre, elle se blesse en plongeant le pied dans une bassine d'huile brûlante. Rapatriée à l'arrière puis soignée à l'hôpital de Sitgès, elle rentre en France le 25 septembre accompagnée de ses parents.
Elle passe quarante-huit jours en Espagne. De ce séjour, nous ne savons rien ou presque. Un passeport, des notes éparses d'un « Journal d'Espagne » portées sur un cahier dont il subsiste trente-quatre feuillets, des lettres et des photographies en uniforme.
Agir, penser, écrire, serait une seule et même chose.
Du mystère d'une vie brève, du tremblé affectif d'un engagement qui refuse autant le fascisme que le meurtre d'un petit phalangiste de seize ans, Adrien Bosc a tiré un roman aux phrases claires et lumineuses. Au milieu du chaos d'une guerre civile fratricide, il nous conte une existence intense et tragique, dont le combat en Espagne fut le point de bascule.
Colonne, dernier volet d'une trilogie amorcée avec Constellation, puis Capitaine - raconte la collision de destins rassemblés en une communauté provisoire -faisceau de récits de vie qui éclatent en trajectoires contraires, séparées et pourtant réunies jusqu'à se confondre à l'infini. Des dates et des mots qui s'effacent, des courriers et des tombes qu'on oublie.
27 octobre 1949. Le nouvel avion d'Air France, le Constellation, accueille trente-sept passagers. Le lendemain, il disparaît dans l'archipel des Açores. Aucun survivant. Parmi les passagers, des personnalités - Marcel Cerdan, l'amant boxeur d'Édith Piaf, Ginette Neveu, violoniste prodige -, des anonymes - une ouvrière, des bergers basques. A priori, des étrangers les uns pour les autres. Mais si l'on se place d'un certain point de vue, des enchaînements de causes infimes, des liens inattendus et des coïncidences troublantes surgissent, donnent à ce fait divers tragique des allures de destin.
« Son portrait de groupe est saisissant. Chaque histoire est un roman, et le drame réunit des vies que tout oppose. » Jérôme Garcin, Le Nouvel Observateur.
« Adrien Bosc s'est lancé, à mi-chemin entre l'écriture journalistique et l'aventure fictionnelle, dans cette quête insoluble où le romanesque bataille à chaque instant avec le réel. » Clément Ghys, Libération.
Le 24 mars 1941, le Capitaine-Paul-Lemerle quitte le port de Marseille, avec à son bord les réprouvés de la France de Vichy et d'une Europe en feu, les immigrés de l'Est et républicains espagnols en exil, les juifs et apatrides, les écrivains surréalistes et artistes décadents, les savants et affairistes. Temps du roman où l'on croise, le long des côtes de la Méditerranée jusqu'en Martinique, André Breton, Claude Lévi-Strauss, Anna Seghers, Victor Serge, Wifredo Lam, et tant d'inconnus, jetés là par les aléas de l'agonie et du hasard, de l'ombre à la lumière. Adrien Bosc ressuscite un temps d'hier qui ressemble aussi à notre aujourd'hui. Un souvenir tel qu'il brille à l'instant d'un péril.
André Breton, Jacqueline Lamba, Claude Lévi-Strauss, Victor Serge, photographies de Wifredo Lam, Anna Seghers, ce sont quelques-uns des passagers du Capitaine-Paul-Lemerle. A bord, on croise également Germaine Krull, la grande photographe allemande, ainsi qu'un jeune cinéaste, futur scénariste, Raymond Assayas, dit Jacques Rémy. Dans Capitaine, Adrien Bosc reconstitue cette traversée de Marseille à Fort-de-France en 1941, la vie sur le bateau de ceux qui fuyaient la France vichyste et leur arrivée en Martinique, parqués dans une ancienne léproserie, le Lazaret.
A la fin du livre, il évoque sa rencontre avec Olivier Assayas qui lui ouvre l'album des photographies de Germaine Krull prises durant le voyage, lesquelles viennent, avec émotion, mettre en image son travail de romancier. Une importante série de tirages retrouvés en vrac dans un tiroir de la maison de campagne familiale et identifiés par Olivier Assayas qui en a reconstitué la genèse. Leurs recherches parallèles viennent alors se compléter et Un voyage, Marseille-Rio 1941 en est l'aboutissement.
Et le prolongement, puisque le trajet, pour Germaine Krull et Jacques Rémy, se poursuit jusqu'à Rio, avec escale en Guyane Française, où Germaine Krull photographie les bagnards libérés et la vie indigène autour du fleuve. Un voyage accompagne une exposition de ces photographies et textes inédits aux Rencontres de la photographie d'Arles 2019.